Générique de fin

juin 20, 2008


Comme quelqu\'un qui passe et s\'en va pendant que je regarde

Etre léger et feindre l’indifférence, comme dans une leçon d’Aubade. Aimer les terrasses, les filles qui passent, mutines. Se délecter d’un petit-déjeuner en compagnie d’une plus qu’amie dans un joli bar, avec une conversation joliment sur le fil de la séduction ou du moins dans un espace commun qui fait aimer la vie, avec une sensibilité un peu semblable.

Dans l’après-midi, à l’heure de thé, au café Delmas, place de la Contrescarpe, une autre histoire. Pouvoir voir venir vers soi une femme inscrite sur et sous ma peau, comme une belle cicatrice. La découvrir dans un nouvel état, magnifiquement enceinte, et ne pas en être blessé mais heureux. Heureux pour elle. Laisser là les pensées sur le fait que l’on est rarement synchro avec son amour, qu’on laisse passer des trains. Parler avec elle de tout et de rien, de danse, de vidéo, du prix du thé, de football et même de Sarkozy, de l’actualité mais pas de nous, surtout.

Lui dire avec un faux détachement cette phrase-cliché : « C’est pour quand ». Ce sera pour octobre et c’est un garçon. Question stupide : « Tu as pensé à un prénom ? ». Se trouver donc assis face à face au « Delmas », place de la Contrescarpe, entouré de touristes et se sentir un peu en zone d’embarquement, voyageur en instance, derniers instants avec une personne qui vole vers ailleurs et qui vous a bâti, démoli, reconstruit, puzzlelisé, sans doute comme des dizaines d’autres mais plutôt comme un travail sourd, permanent, secret, persistant, avec une autre vie qui se déroulait en même temps. Se dire qu’il faut aimer son parfum : « Féminité du bois ». Se demander quelle mère elle sera. Ne pas avoir une pensée pour le père. D’ailleurs, s’apercevoir au bout de presqu’une heure qu’elle ne me parle pas de lui. Avec cette délicatesse qu’ont les femmes pour ne pas fourrailler dans les plaies. Et aussi parce que je ne lui demande rien sur le coproducteur de son oeuvre en instance. Ne tout de même pas être masochiste ou lèche.

Etre léger et feindre le « même pas mal ». La regarder bouger différemment. Acquieser lorsqu’elle dit qu’elle se sent animale dans son état. La regarder se lever, la regarder sortir avec moi, regretter qu’il n’y ait pas de ralenti dans la vie normale. L’embrasser sur les joues et dire une autre phrase cliché – la situation l’exige parfois – « Prends soin de toi et de lui ».. Marcher sur la place de la Contrescarpe et me retourner pour la regarder s’éloigner dans une rue, Me retourner encore une fois en souhaitant ne pas me changer en statue de sel. Et puis marcher à grandes enjambées en souriant. Ecrire le mot fin. Parce qu’elle le vaut bien. Parce qu’il le faut bien. Si tu veux être heureux, sois-le.